Polyamour? Libertinage ? Polybertinage !
Des fois, connaître la définition d’un mot, ça aide à le désamorcer. Et dans le vocabulaire sexuel on dirait qu’il n’y a que ça, des mots vaguement définis, au contexte plus ou moins clair, et surtout drapé du voile de la « moralité », cette chose difforme et invisible qui teinte et plombe tout ce qu’elle touche. Mais ces mots sont essentiels pour faire exister un état, une façon d’être, un désir, quelque chose qui nous habite mais qui nous semble insaisissable. « Nommer c’est faire exister » rappelait récemment une coquine de mon entourage.
Quand vient le moment de cataloguer quoi que ce soit en lien avec l’humain, il est souvent peu souhaitable d’arrêter des définitions trop précises, trop contraignantes. La liste du vocabulaire coquin est longue, mais ici je veux m’arrêter à quelques mots qui sont souvent victime les uns des autres. Mots proscrits, sales, imprononçables en bonne compagnie, termes que la longue expérience de la vie adulte a ignoré et laissé dans l’herbre longue. Reader beware, rien de scientifique ici. Comme toujours, mes interprétations sont les miennes, teintées de mes expériences et de ma philosophie. Si vous cherchez quelque chose de plus défini et de plus consensuel, le R2PQ publie un lexique assez complet ici https://r2pq.org/lexique?
Ma mouture donc, sur les termes suivants:
Le libertinage, ou être libertin, c’est avoir une sexualité ouverte à la multiplicité des partenaires, des pratiques, ou toute combinaison de l’un et de l’autre. Le libertinage, c’est la célébration du plaisir sexuel sous toutes les formes qui nous plaisent et auxquelles on consent. Contrairement à la conclusion immédiatement tirée par des décennies de conformité sociale, le libertinage en soit n’est pas une attaque sur le couple ni même la monogamie. L’exclusivité sexuelle est possible dans le libertinage puisque l’engagement amoureux n’est pas requis. C’est justement ce qui rend le terme si glissant… Le libertinage est un concept très personnel qui varie énormément d’une personne à une autre, mais au travers de l’imensité des variations, une certaine cohésion existe. L’ouverture d’esprit requise pour se dire libertin font que, généralement, les libertins se comprennent entre eux, peu importe la saveur de leur libertinage.
Le polyamour, c’est l’engagement émotionnel amoureux avec plus d’un partenaire. C’est célébrer le pouvoir de l’amour sur soi et sur les autres, sans limiter la portée de ce pouvoir. BIen sûr, le plaisir sexuel fait souvent partie de l’engagement, mais c’est une relation émotionnelle d’abord et avant tout. Le polyamour est probablement le concept le plus violent qu’une société hétéronormative puisse concevoir, ce qui fait partie de l’attrait pour beaucoup. Les gens qui se disent polyamoureux se disent souvent libertins, mais j’ai aussi croisé des gens polyamoureux dont la vie sexuelle s’apparentait bien plus à celle d’une vie de couple bien rangée, mais en plusieurs couples à la fois !
L‘échangisme est une pratique sexuelle qui implique qu’un couple échange de partenaire avec un autre couple. En soit, ce terme n’a pas sa place au milieux des grands concepts abordés plus haut, mais il s’agit sans équivoque du mot le plus galvaudé par les médias et la population en général quand vient le temps de discuter de libertinage de façon « présentable ». Probablement parce que dans la psychée sociale, le terme a d’abord été employé pour parler de ces gens aux désirs sexuels hors norme, mais comme certains mots ont disparu de notre vocabulaire quand on a réalisé leur origine, celui-ci doit simplement retourner dans sa boîte, avec les dizaines d’autres qui décrivent des pratiques sexuelles libertines. À moins d’exception, vous n’irez pas dans un club échangiste, mais bien dans un club libertin, où vous pourrez choisir de pratiquer l’échangisme, le mélangisme, le côte-à-côtisme et tant d’autres -ismes qui mènent a des orgasmes délicieux…
Détour pour conclure avec le mot tromper, terme maudit s’il en est, coupable de toutes les peines, les larmes, les rages et les désespoirs. Pourquoi passer par là alors que le mot n’a pas une signification bien différente dans l’univers libertin ou polyamoureux (où il existe aussi, je vous assure) ? Parce que dans la continuité de la réflexion que requiert l’ouverture de sa sexualité, c’est un des concepts fondamentaux de notre éducation sociale et amoureuse qu’on doit refaçonner pour le ranger là où il doit réellement être. Tromper, à la base, c’est l’acte intentionnel d’abuser de la confiance. C’est faire croire que. C’est faire un mauvais usage délibéré d’une chose pure et gratuite: la confiance de quelqu’un. Comment expliquer que le mot soit littéralement devenu synonyme d’aventures sexuelles « non autorisées » ou « extraconjugales » alors ?
Parce que sans perspective sur la possibilité même de donner l’autorisation, la permission de vivre ces aventures sexuelles, ça tombe dans la même catégorie que le reste, évidemment. Mais si on modifie le paradigmes de l’exclusivité, de la monogamie-à-tout-prix, alors on découvre que jouer les économies du couple au casino, consommer des drogues dures sans en parler, entretenir un agenda raciste ou intolérant, mentir sur son travail ou l’existence même de celui-ci, ce sont de réels exemples de tromperie bona fide, d’abus de confiance qui méritent de reconsidérer, sur le champs et en profondeur, notre relation avec cette personne.
Parce que quand on considère le bonheur de séduire, le plaisir du corps de l’autre, la jouissance offerte et reçue de façon nouvelle ou différente, tout ça n’a absolument rien de négatif. Bien au contraire d’ailleurs. On peut donc vivre des aventures sexuelles avec pleins de gens sans jamais tromper une seule fois notre partenaire de vie.
Suffit simplement de demander la permission.