"Je n'ai pas d'expérience..."
Cette phrase est typique, classique, je dirais obligatoire presque ! Chaque nouvelle rencontre libertine, surtout dans le contexte de rencontres plus cérébrales que charnelles, la conversation va inévitablement croiser le sujet de l’expérience. Métrique taboue du nombre de pénis et de vulves que nous avons à notre actif personnel ? L »‘expérience » dans le libertinage se frappe très vite au mur de la variabilité des définitions. C’est quoi de l’expérience ? 2 hommes en même temps ? 4 ? 3 femmes, 2 trans ? C’est passer le cap des 25 amants ou des 250 ? C’est ouvrir son couple depuis 6 mois ou vivre le libertinage depuis 20 ans ?
L’expérience, en sexualité, est à ce point une variable que le sujet mérite sa propre définition…
Je n’ai jamais défini l’expérience en libertinage comme une mesure de quantité. Pour moi, le plaisir est interprété et traduit de la meilleure façon par les gens qui ont su s’équiper pour le faire. Comment ? Avec quoi ? Avec la connaissance.
D’abord, connaître son plaisir exige de se comprendre. Se connaître soi-même intimement, maîtriser l’art de s’offrir son propre plaisir, physique mais aussi mental. Comprendre les circonstances qui nous font nous abandonner, nous ouvrir à se faire prendre par l’autre, par les autres. Accepter, aimer notre corps. Le mettre en valeur pour ses atouts, pardonner et embrasser ses imperfections. Savoir se faire jouir, comprendre comment cette facilité ou cette difficulté impacte notre propre confiance, notre vision de soi. Tout cela est absolument nécessaire pour pouvoir accompagner les partenaires dans leur mission, pour que leurs efforts trouvent leur cible, pour que le plaisir exulte.
Ensuite, connaître le plaisir c’est savoir observer notre propre relation avec lui. En couple, solo ou à plusieurs, il faut prendre le temps de constater, analyser et réfléchir à notre relation avec le plaisir. Est-il à moi ? Est-ce que je l’ai emprunté ? Vais-je le rendre ? Me l’a-t-on pris ? Il y a mille et une relation à avoir avec le plaisir, et il convient d’accepter, de célébrer même, que la recherche du plaisir sexuel est parfaitement égoïste. C’est logique d’ailleurs, à bien y penser. Mais ce qu’il y a de formidable avec la jouissance, c’est que c’est un égoïsme qui se vit de toutes les façons possible, un égoïsme qui se vit en groupe même ! Mais au final, ce plaisir, c’est à nous et nous seul qu’il revient. Et l’accepter pour soi, c’est la plus belle relation qu’on peut avoir avec le plaisir.
Quel lien avec l’expérience tout ça ? C’est simple: si on convient que l’expérience dans le libertinage ne peut pas être une notion quantitative, une mesure définie par les années passées dans le milieu, la quantité de partenaire ou la liste à cocher de l’usage qu’on a fait de nos orifices, alors il faut s’entendre pour dire que c’est une notion qualitative.
Pour moi, l’expérience est simplement la somme des connaissances d’une personne. Sa maîtrise du plaisir, peu importe le contexte. Vous connaissez la différence entre baiser et faire l’amour ? C’est ça, une notion qualitative 🙂 Je vous jure qu’on éprouve un plaisir largement supérieur à sentir un partenaire s’abandonner à nous, se soumettre au plaisir sans retenue, qu’à se trouver sous l’emprise du roi du cunni ou de la reine de la pipe.
Les partenaires expérimentés, ce sont ceux qui ont suivi le chemin d’une réflexion intime, qui ont fait la paix avec leurs démons ou qui à tout le moins savent les nommer et les reconnaître. Ce sont les gens qui savent prendre le plaisir pour eux, sans rien prendre d’autre. Sans rien y laisser non plus. Ce sont les gens qui ont réalisé que le corps a cette capacité extraordinaire d’être célébré de milles façons, parfois sans même enlever nos vêtements…
Si pour la première fois que vous offrez votre corps à son plaisir, sans attache sociale, vous jugez raisonnablement de votre connaissance de vous-même et de votre plaisir, vous êtes un partenaire de grande expérience déjà !
Mais pourtant, me direz-vous, comment faire pour se connaître, pour apprendre tout cela, sans d’abord vivre des rencontres, heureuses ou malheureuses, des orgasmes tonitruants et des malaises abyssaux, des stress d’une semaine à l’approche d’une première rencontre, des pénis mous et des vulves sèches dans un lit pas très propre et un éclairage au néon, des dégâts de cyprine et de sperme, des malentendus gênants et des « je pensais aimer ça », ou mieux encore, les fameux « j’aurais jamais pensé aimer ça! » ?
C’est super facile, faut juste prendre un peu d’expérience…