Asymétrie sexuelle

Un des mensonges les plus spectaculaires auquel on fait face dans la vie de couple, c’est l’égalité… Pas l’équité, ça c’est définitivement un idéal, un requis en fait. Non, je parle de l’égalité entre les partenaires. L’idée qu’on soit au même niveau sur un sujet donné. Au même point dans notre tête, dans notre cœur et dans notre corps. Et quand le sujet c’est la sexualité, la convention sociale pèse plus lourd que jamais.

Pour moi, la prémisse d’une attirance, particulièrement amoureuse, passe par une composante de complémentarité ou de similitude: ou bien on a quelque chose de précieux en commun, ou bien l’autre nous complète, nous apporte spécifiquement ce que nous n’avons pas. Certains diraient même que toutes les relations ont en commun ces deux éléments. Et en partant de cette idée, on devine assez rapidement le problème: si notre attirance pour l’autre repose sur ce qu’on a en commun, comment imaginer que par hasard magique, leur niveau d’expérience, de vécu, de connaissances va croiser le nôtre au même point ? Et si ce qui nous attire c’est la complémentarité de l’autre, n’est-il pas évident qu’on sera donc différents dans nos bagages respectifs ?

S’il est inévitable qu’un couple uni et amoureux trouvera plus de point d’égalité que de disparités, le mensonge c’est de se dire que cela est vrai tout le temps et à travers le temps. Avec notre évolution et notre cheminement personnel, nos intérêts, nos passions, nos talents, nos désirs évoluent eux aussi, et pas toujours dans la même direction ou à la même vitesse que l’autre…

C’est ça, mon concept d’assymétrie sexuelle: la notion qu’avoir des attentes envers l’autre qui ne sont pas raisonnables pour son expérience, ses valeurs ou simplement son vécu personnel, c’est automatiquement le chemin de la déception. Du conflit même. Bref, pas de bonheur à trouver là.

Dans les débuts du couple, on fait simplement « l’amour » peu importe ce que cela signifie. On va faire des compromis, on va accepter des chose, on va peut-être être très agréablement surpris. Parfois, on va se dire qu’on touché le gros lot tellement le sexe est bon et facile. Puis, le temps va s’installer pour créer toutes sortes de circonstances dans nos vies, qui vont nous faire évoluer dans nos désirs et nos attentes. Parfois on veut faire l’amour, parfois on veut baiser, parfois on veut juste jouir. Là, maintenant, vite.  En solo s’il le faut… Imaginer que notre sexualité est statique, ou pire encore qu’elle évolue à la vitesse et dans la direction de l’autre, c’est perdre de vue notre individualité. Et parfois même, les raisons pour lesquelles on a choisi l’autre pour partager sa vie.

On voit parfois l’un ou l’autre partenaire se mettre à pousser le sujet. On va parfois constater que la question de la sexualité est devenu pour l’un(e), une source d’insatisfactions ou de déception, pour l’autre, un sujet confortable, sans questions, sur le pilote automatique. L’effort asymétrique peut durer un temps, longtemps même, mais si on laisse simplement les chose telles quelle, tout va s’user plus vite. Vous avez déjà parlé de l’usure du couple ? Pariez que les efforts asymétriques contribuent largement à la chose.

Il est normal, attendu, prévisible, garanti même, qu’un partenaire va éventuellement développer un intérêt pour des pratiques, des gens, des activités, bref des goûts qui ne seront plus « égaux » aux goûts de l’autre. Ce n’est pas un dérapage, ce n’est pas une lubie, une folie passagère, c’est simplement des désirs asymétriques. C’est simplement le moment de vous parler franchement de votre sexualité. Sans retenue, sans sous-entendus, sans jugements.

Dans bon nombre de nos soirées coquines, j’ai eu cet échange avec des couples – de tous âges, ce n’est pas un paramètre particulièrement pertinent – qui « étaient rendus là ». Je fais généralement le détour de demander c’est où, ce « là » là… C’est quoi cet état qui fait l’unanimité entre eux.
C’est souvent une réponse différente pour l’un et pour l’autre.
Et parfois, la distance qui sépare les deux réponses est telle que l’imminence du danger ne peut être ignorée. Un soir, Chérie et moi avons même suggéré au couple avec qui nous discutions depuis un moment qu’ils devraient probablement prendre le temps d’explorer le thème du libertinage ensemble encore plus, avant de se lancer dans l’expérimentation. Il était clair, ce soir là, que monsieur et madame ne venaient pas chercher la même chose et que le succès de l’un serait l’échec de l’autre.  

Un autre soir, un jeune couple qui nous avais vanté leur communication, leur ouverture et leur « égalité » dans le désir d’explorer l’ouverture de leur sexualité ont découverts, presque trop tard, que la communication en question n’avait pas été un échange, mais bien deux monologues.

Du haut de mon absence complète de formation en psychologie, je consens que mes propos n’ont que valeur de philosophie de foire. Mais plus j’observe, plus j’écoute, plus je suis convaincu que l’asymétrie sexuelle porte une part de responsabilité terriblement plus importante dans nos malheurs amoureux et sexuels que ce que nous imaginons.

On ne sera jamais « égal » à notre partenaire. Parfois en avance, parfois à la traîne, mais jamais – ou alors si rarement – exactement au même point dans nos attentes. C’est d’ailleurs comme ça que la vie avec l’autre va garder son piquant, qu’on va continuer à s’apprendre même si on se connaît par coeur. Rappelons-nous, dans notre communication intime, à laisser à l’asymétrie de nos désirs toute la place dont elle a besoin.